OSINT
L’OSINT incarne une avancée majeure : il démocratise l’accès au renseignement, dans le respect du droit et de l’éthique, et offre une riposte lucide face au chaos informationnel. Mais son potentiel reste freiné par l’incertitude juridique, la fragilité des sources et l’absence de cadre clair. Chez AleVia, nous pensons qu’il est temps d’éclaircir sans restreindre, de réguler sans étouffer, pour faire de l’OSINT un outil fiable, responsable et accessible, au service du bien commun.
Par Nicole Tortello Duban et Oscar Lafond-Kervegant
L’information, bien commun essentiel, est aujourd’hui surabondante. Amplifiée par le numérique, elle est une proie à la contrefaçon (deepfakes, fake news, etc.). Dans ce contexte, nos démocraties et nos entreprises doivent s’armer pour naviguer sur une mer informationnelle agitée.
L’OSINT (open source intelligence), ou ROSO en français, apparaît comme une boussole fiable dans cette guerre de l’information. Fondée sur l’exploitation de données publiques (sites web, réseaux sociaux, archives, média, etc.), cette méthode rassemble des fragments d’information brute pour les transformer en renseignement utile à la prise de décision. Plus qu’un outil, c’est une méthode rigoureuse, une réponse structurée au chaos informationnel.
Le paysage de l’OSINT s’est profondément transformé, attirant journalistes, chercheurs, consultants, activistes, forces de l’ordre, magistrats ou armées. Ce croisement d’acteurs marque une rupture : le renseignement devient une pratique collective, mêlant sécurité, économie, médias et société civile. Une évolution stratégique, civique et informationnelle majeure.
Mais ce potentiel est freiné par un cadre juridique flou. L’OSINT est souvent perçu à travers un RGPD mal compris, suscitant blocages, autocensures, voire interdictions. L’amalgame entre collecte légale et intrusion illicite brouille les repères, alors que la jurisprudence en autorise parfois l’usage, y compris en droit civil ou pénal. Forces de l’ordre, avocats et enquêteurs privés appellent à un éclaircissement : l’incertitude juridique ne protège pas, elle paralyse.
Une initiative politique pourrait bientôt changer la donne : à l’initiative du député Philippe Latombe, une consultation a été lancée en mai 2025. Trois pistes sont sur la table : des textes sectoriels, une loi générale, ou une intégration dans le projet de loi sur la cybersécurité. Le constat est clair : l’incertitude juridique fragilise les praticiens et menace l’accès à une ressource vitale. À l’échelle européenne, aucun cadre ne régit aujourd’hui l’OSINT, malgré son usage croissant dans les enquêtes civiles, la cybersécurité ou la lutte contre la désinformation. Une régulation européenne, dans l’esprit du RGPD, pourrait poser des principes clairs : finalité, proportionnalité, contrôle.
À cette insécurité s’ajoute une autre : la fragilité de l’information elle-même. Faussée, manipulée, elle devient instable. L’OSINT, loin d’être infaillible, peut aussi être victime de désinformation. Pour y répondre, l’Association des Auditeurs en Intelligence Économique de l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale a recensé 45 outils de vérification mêlant IA, crowdsourcing et expertise humaine. Mais l’enjeu dépasse la technique : il faut articuler droit, éthique et méthode pour faire de l’OSINT un levier démocratique.
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